vendredi 12 avril 2013

Expulsion de familles « délinquantes » : débattons sérieusement !

Sur son blog, Philippe Sarre,  maire de Colombes, soutient « les expulsions des logements sociaux de familles délinquantes ». Puisqu’un « débat semble se faire jour », ouvrons-le, même si M. Sarre juge que « la question ne doit même pas être posée ».

D’abord qu’appelle-t-on « une famille délinquante » ? Une famille dont tous les membres le sont ou seulement certains ? La distinction n’est pas mince, car en droit pénal chacun n’est responsable que de lui-même et ce, depuis la Révolution Française. La seconde guerre mondiale a brutalement rappelé ce que les sanctions collectives entraînent d’horreur et d’iniquité.

Quelle réponse à la délinquance, expulsion ou sanction pénale ? Les expulser où d’abord ? dans d’autres communes, d’autres quartiers ? Alors que les sanctions pénales existent. Pour donner un exemple véridique : quand à Colombes, un délinquant de 16 ans offrait à sa mère manteau de fourrure et vacances à Saint Domingue tout en étant déscolarisé, la réponse n’est pas tant l’expulsion que la sanction pénale.
Au demeurant se pose la question de l’argumentation juridique de l’expulsion locative. La seule base est le « trouble de jouissance », notion qui selon la loi du 6 juillet 1989 impose aux locataires « d’user paisiblement des locaux suivant la destination qui leur a été donnée par le contrat de location ». Ce qui, concrètement, n’a rien à voir avec la gravité des faits. Un tapage nocturne est un trouble de jouissance, alors qu’un trafic de drogue peut n’occasionner aucun trouble de voisinage. Encore une fois, la solution pénale est la plus pertinente. Elle permet même, par le contrôle judiciaire ou le sursis avec mise à l’épreuve, d’interdire pénalement à quelqu’un de se rendre dans un endroit donné.

Enfin, et c’est là l’essentiel, qu’en est-il des réponses éducatives et préventives ? La première d’entre elles est la politique du logement et de la ville. Certaines familles parquées dans des quartiers sensibles aimeraient déménager – sans contrainte – afin d’éviter les fréquentations nocives. Le peuvent-elles, ou doivent-elles attendre l’expulsion de leurs voisins ? Tous les outils de prévention primaire – et la prévention spécialisée – ont été détruits par les gouvernements précédents. Seront-ils revalorisés par le nouveau ou verra-t-on la démagogie sécuritaire continuer à fleurir dans les blogs de ses propres élus  ?

S’en prendre aux causes avant d’agir sur les effets c’est probablement cela aussi être de gauche... Alors oui, ouvrons le débat sur ce qu’est réellement la prévention. Les élections municipales vont permettre d’aborder ce sujet sensible.

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